Le Lesedi La Rona est le plus précieux diamant brut du monde, d’un poids record de 1 109 carats. C’est aussi le plus gros diamant brut de qualité découvert depuis plus d’un siècle et on estime qu’il remonte à trois milliards d’années. Il a fière allure pour son âge : D’après des évaluations préliminaires, il pourrait fournir des diamants de couleur D, de type IIa – de la plus grande pureté entre toutes. Au-delà de la taille remarquable du Lesedi La Rona et de sa rareté, son acquisition est toute une histoire, qui a exigé plus d’une année de négociations, conclues par une poignée de main.
Taille haut de gamme
Un coup d’œil à la façon dont l’atelier Graff de Londres crée certains des plus beaux bijoux du monde.
De Dominique Cristall - 06 février 2019
À l’atelier Graff de Londres, le directeur Raymond Graff donne une leçon miraculeuse d’art, d’histoire et de science à propos des pierres les plus précieuses du monde. « Vous voulez voir? » propose-t-il, les yeux brillants. Le temps s’arrête. Le deuxième meilleur choix après le fait de tenir le Lesedi La Rona lui-même, c’est d’avoir en main sa réplique en résine, qui occupe toute ma paume. En l’occurrence, l’achat du Lesedi La Rona par Graff suivait son acquisition d’un diamant de 373 carats de la même veine. Celui-là était environ de la taille d’un kumquat. Je les tiens ensemble blottis dans la main, et mon esprit imagine ce qu’il adviendra de ces pierres remarquables. Je m’apprête à apprendre que c’est là toute la magie de Graff : Avec vénération, les artisans de Graff sont à l’écoute de l’histoire de chaque pierre, lui laissant révéler sa forme de bijou ultime.
Au cours d’une année, l’atelier Graff produit des bijoux pour le nombre stupéfiant de 60 boutiques dans le monde. Certains articles valent des millions et d’autres, des dizaines de millions. Parmi les objets notables, la célèbre broche « Paon » est évaluée à 100 millions de dollars et compte parmi les bijoux les plus coûteux du monde. Et tandis que des personnalités de l’histoire récente sont parées de ces bijoux, derrière cette remarquable production se trouve un atelier qui brille à l’enseigne de la passion, du savoir-faire et de la famille.
Salué comme le roi du diamant, Laurence Graff est l’un des plus importants diamantaires du monde. Il a commencé sa carrière adolescent comme apprenti joaillier à Hatton Garden, pour passer ensuite à la conception, fabriquant et vendant ses propres pièces, devenues rapidement très convoitées. À 24 ans, il avait ouvert deux de ses propres boutiques à Londres. Aujourd’hui, il règne sur l’empire Graff avec son frère Raymond, son fils François, qui en est le pdg, et son neveu Elliot, chargé du marchandisage.
Passion et perfectionnisme sont les deux moteurs de Laurence Graff et de ses activités, mais il est aussi légèrement provocateur. Non seulement était-il un pionnier dans la mise en marché du design contemporain en haute joaillerie, mais il est également connu pour sa détermination inflexible en matière de pureté qu’il peut sacrifier dans la taille, réduisant des pierres déjà incomparables au nom de la perfection.
Cette fabrique de perfection est tranquillement installée sous une série de maisons en rangée du quartier Mayfair de Londres. Pendant que Raymond Graff me guide dans le labyrinthe de l’atelier, je vois des piles de diamants qui brillent autour de nous . Comme dans le magasin de bonbons le plus coûteux qu’on puisse imaginer, des joyaux de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel sont empilés soigneusement partout où se posent mes yeux.
Nous commençons par la salle de design du rez-de-chaussée. Les designers tracent tranquillement des dessins, des bijoux à leurs côtés. Les activités de Graff sont intégrées verticalement, de ses mines à ses boutiques, et ce moment le semble tout particulièrement, alors que des idées naissent sur papier à côté de leur forme réelle. Je m’arrête pour admirer un objet à couper le souffle. Une pierre de tourmaline de la taille d’une noix, délicieusement sculptée et sertie, repose sur un coussin de diamants. Le design se convertit de façon transparente d’une bague à un collier, puis à une broche, répondant parfaitement aux exigences d’un emploi du temps diversifié et d’une cliente indécise.
Raymond Graff m’explique combien le processus créateur est lié à l’approvisionnement des pierres les plus raffinées du monde, les laissant agir comme point de départ de l’inspiration du design. Une nouvelle collection évoque l’art du XXe siècle, la faim de collectionneur de Laurence Graff et les volutes modernistes des gribouillages de Cy Twombly. L’acquisition en vrac récente d’un lot de diamants en forme de cœur a donné naissance à une collection exquise, la Reine de cœur, comptant, entre autres pièces étonnantes, un collier où s’entrelacent des cœurs. Pendant qu’il m’indique des croquis au mur, j’imagine que je dois ressembler à une émoticône aux yeux en forme de cœur.
Pendant que nous descendons dans l’atelier, je constate non seulement l’éclat extraordinaire des bijoux de Graf, mais également le brillant de son personnel. « Nous avons commencé ici il y a 60 ans et nous avons toujours la même passion aujourd’hui », affirme Raymond Graff, rayonnant. « Notre fierté s’incarne dans tout ce que nous faisons. Nous mettons de l’amour dans chaque création. »
Des copies des esquisses de la salle de design sont apportées à l’atelier, où elles servent de feuille de route pour les artisans chargés de sertir les pierres. L’atelier de production Graff comprend des salles distinctes, chacune ayant sa propre mission et sa propre équipe armée d’une gamme unique de compétences et d’outils pour transformer les joyaux de main de maître et donner vie aux croquis initiaux. Dans la salle de montage des diamants, le métal prend forme. Les joailliers cassent, martèlent et étirent le métal suivant le dessin original, créant la monture. La contradiction entre procédé et produit est absolue : Ce qui commence par un martèlement énergique culmine dans les bijoux les plus raffinés, les plus délicats du monde. Ensuite, dans la salle d’usinage, d’antiques outils assurent un façonnage et un étirage du métal plus vigoureux. Ce respect et cette intégration de la tradition sont manifestes dans tout l’atelier – tout semble avoir droit au traitement royal de véritables objets sacrés.
La tradition est la marque du processus de production de Graff. Dans le murmure de ces salles, des grands-pères artisans travaillent avec leurs enfants et petits-enfants, transmettant ce qui est devenu un savoir presque tribal, aussi précieux que les pierres sur lesquelles ils travaillent. Graff prévoit des programmes d’apprentissage pour développer son bassin de talents et soutenir l’incomparable expertise qu’exigent ses produits. Raymond Graff s’arrête pour montrer un apprenti qui travaille avec soin une broche en forme de gecko, dont le corps s’articule comme une peau de reptile vivant dans un smoking incrusté de diamants avec des yeux d’émeraude. Il tient la broche à la hauteur de mon épaule, comme si elle avait sauté d’un arbre enchanté. « J’aimerais voir cette broche portée sur l’épaule dans une soirée », rêve-t-il.
Dans la salle de sertissage, un cuiseur fait fondre l’amalgame utilisé pour sertir les diamants et les pierres précieuses à la fin du processus. C’est là que j’apprends que Graff distille sa propre eau. La pureté est intégrée à chaque étape possible du processus.
La salle de la technologie allie futur et tradition. Chaque pierre précieuse est gravée du logo Graff au laser. Je m’émerveille de voir un technicien travailler sur une pierre et, à mesure que le laser trace les lettres G-R-A-F-F, nous surveillons sa progression à l’écran. Je lui demande : « de quelle taille est-elle? » « Trois carats », répond le technicien. « Seulement trois! » Raymond Graff sourit, amusé. Dans cette salle, des systèmes de design assisté par ordinateur produisent des modèles imprimés en trois dimensions des pièces les plus complexes, permettant aux designers de tester et de valider leur travail avant la production – un banc d’essai de joaillerie. Beaucoup des dessins que je viens de voir prennent vie ici en plastique aux couleurs de l’arc-en-ciel, leurs détails tout aussi stupéfiants qu’ils pourraient l’être au crayon, en métal ou en pierre.
Autre spectacle remarquable, la présence d’une installation de poinçonnage sur place. Ce partenariat a été la solution constructive à une étape fastidieuse de la chaîne d’approvisionnement de Graff en raison des exigences de poinçonnage au Royaume-Uni. Pour rationaliser le processus, Graff a ouvert ses portes et poussé plus loin l’intégration, s’alliant avec Goldsmiths’ Company Assay Office pour établir sur place un bureau de contrôle des métaux précieux.
Dans la dernière salle, celle du polissage, un apprenti de 17 ans entame sa première journée chez Graff. C’est le fils d’un employé expérimenté. Lorsqu’on lui demande s’il aime ce travail, il fait doucement et joyeusement signe que oui de la tête. Les pièces finales doivent être entièrement polies ici et devenir lustrées. Avec concentration et application intenses, l’apprenti polit une bague de diamant, ce qui requiert de multiples étapes et pâtes à polir. Une seule pièce peut être polie et repolie cent fois avant d’être prête à dévoiler.
Au moment où les portes se ferment derrière moi, je souhaiterais que l’expérience ne se termine pas là. Je ferme les yeux, et je vois des diamants. Visiter l’atelier Graff, c’est assister au mariage de la tradition et de l’innovation, dans une quête de perfection alimentée par une passion aussi profonde que les entrailles de la Terre où naissent les diamants. Et c’est peut-être ça, le secret : ces pierres brillent d’autant plus qu’elles sont aimées profondément.
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